« Conséquences géopolitiques catastrophiques »
Deux projets israéliens pour déchirer la Cisjordanie occupée

« Conséquences géopolitiques catastrophiques » <br> Deux projets israéliens pour déchirer la Cisjordanie occupée
1 – Projet de loi pour faciliter la prise de contrôle des colons sur les terres palestiniennes
Le 20 février 2012, le journal israélien « Haaretz » a révélé une partie du plan de colonisation israélien sur l’intérêt des colons à prendre le contrôle des terres palestiniennes pour établir des chemins de terre en Cisjordanie. Selon le journal, l’Administration Civile Israélienne, qui est l’organe gestionnaire de l’armée d’occupation en Cisjordanie, propose une nouvelle législation qui permettrait aux colons d’établir des routes de terre sans l’approbation préalable de l’Administration Civile si le but de ces routes est de protéger les soi-disant « terres appartenant à l’Etat ».
 
Le journal a indiqué que d’habitude, la construction de route ou la modification du tracé d’une route nécessite une approbation à différents niveaux, notamment celle du Conseil  National Israélien de la Planification et de la Construction suivi par la publication d’un permis de construire (processus qui met très longtemps avant que le permis ne soit finalement approuvé). Selon la loi proposée, les colons obtiendront l’approbation pour construire des routes très rapidement, à condition que ce soit une route de terre.
 
Ancienne & Nouvelle loi
La loi proposée ne vient pas de nulle part. En février 1984, le gouvernement israélien a publié le « Regional Partial Outline Road Plan No. 50 » basé sur le plan T/M/A/3 préparé par l’Organisation Mondiale du Sionisme. Ce plan visait à intégrer les réseaux routiers israéliens à ceux de Cisjordanie en reliant les routes des colonies avec les routes israéliennes et en contournant les communes palestiniennes.
 
Plus de 1600 objections ont été soumises par les propriétaires palestiniens affectés par le plan. Le 12 mars 1991, le Comité Israélien en charge de ce plan a rejeté toutes les pétitions palestiniennes en rapport avec  les routes reliant les colonies et les avant-postes. Ainsi, la « nouvelle » loi (ou plutôt la loi réinventée) reflète le désir des leaders israéliens d’ouvrir la voie aux colons pour aller de l’avant afin de construire ces routes. En fait, la plupart de ces routes existantes relient les avant-postes aux colonies pour soutenir le développement de ces avant-postes illégaux.
 
De plus, l’activation de la loi 50-1984 aura de dramatiques conséquences sur les propriétaires palestiniens dont les terres sont situées près de colonies ou d’avant-postes. D’une part, ces terres seront des cibles légitimes pour les colons pour construire des routes et d’autre part, la continuité géographique entre les communes palestiniennes de Cisjordanie sera encore plus interrompue. Ci-après sont listées quelques conséquences de la législation :
 
a) L’avant-poste illégal d’Amona, Nord-ouest de Ramallah
 
Même avant que la loi proposée soit adoptée, les colons israéliens de l’avant-poste d’Amona ont construit des chemins de terre pour relier leur avant-poste à la colonie d’Ofra, bien que certaines parties des terres soient situées en zone B (selon les Accords d’Oslo II de 1995) ainsi qu’une partie de la route construite. (Haaretz, 20 février 2012). Voir photo 1..
 

De plus, l’avant-poste illégal d’Amona est situé en-dehors du « master plan »pour la colonie d’Ofra ce qui signifie que l’avant-poste sera transformé lui-même en colonie.
 
b) La colonie de Nili, Nord-est de Ramallah
 
Lors d’une session de la Court Martiale sur la base militaire d’Ofar au Nord-ouest de Ramallah début 2012, l’Administration Civile a révélé que la nouvelle proposition pour les chemins de terre est déjà appliquée alors que la loi n’est pas encore adoptée. En effet, une nouvelle route a été construite encerclant la colonie de Nili, au Nord-ouest de Ramallah. En outre, pendant la session, la Court a demandé au Lieutenant Tsefika Cohen, le chef du département des infrastructures de l’Administration Civile, s’il avait prévenu le président du conseil municipal de Deir Qeddis (village palestinien situé au Sud de la colonie et où la route passe) de son intention de construire la route. Il a répondu : « nous n’en avons pas besoin puisque la route sera construite sur une « terre d’Etat », ce qui signifie qu’il n’y a pas de nécessité de se coordonner avec les palestiniens » (Haaretz, 20 février 2012).
 
2 – 475km de voies ferrées pour diviser la Cisjordanie
Le 28 février 2012, Haaretz a publié un projet israélien pour un réseau ferré s’étendant sur 475km à l’intérieur de la Cisjordanie. Selon le journal, le plan préparé par la Compagnie Israélienne des Chemins de Fer à la demande de la Ministre des transports Katz Yisrael prévoit la création de 11 nouvelles lignes ferroviaires en Cisjordanie. L’année dernière, la ministre avait déclaré son intention de réactiver le chemin de fer entre Al-Afoula à l’intérieur de la Ligne Verte et le gouvernorat de Jénine dans le Nord-est de la Cisjordanie, ainsi qu’entre Ras Al-Ein (à l’intérieur de la Ligne Verte) et la colonie illégale d’Ariel, dans le gouvernorat de Salfit.
Le plan, toujours selon Haaretz, propose de construire 475km de voies ferrées traversant la Cisjordanie selon certains axes :
  • Le premier est nommé l’axe Daher Al-Jabal et relierait Jénine à Naplouse, Ramallah, Jérusalem, la colonie de Ma’aleh Adumim, Bethléem et Hébron.
  • Le second est appelé l’axe Vallée du Jourdain et relierait Jéricho à la Mer Morte, Bisan et Ilat, puis de Ilat à Haifa et plus tard à la Syrie.
  • L’axe Naplouse – Tulkarim
  • L’axe Ramallah – poste frontière d’Allenby
  • L’axe Jérusalem – Tel-Aviv
  • L’axe Jérusalem – Lod (Al-Lid) à l’intérieur de la Ligne Verte
  • L’axe Jérusalem – Ramallah (encerclant complètement Ramallah)
  • L’axe Kiryat Gan (à l’intérieur de la Ligne Verte) – Hébron
  • L’axe Hébron – Beersheba (à l’intérieur de la Ligne Verte). Voir carte 1. .

 
Conséquences géopolitiques catastrophiques
On peut affirmer sans aucun doute que les deux projets coloniaux, préparés et appuyés par les israéliens, servent les intérêts de l’occupation israélienne prolongée dans les Territoires Palestiniens. L’objectif est de s’assurer un contrôle de long-terme sur la Cisjordanie ainsi que d’éliminer toute chance de parvenir à un accord de paix stable et durable, basé sur la solution à deux-Etats, avec un territoire palestinien continu et indépendant. De plus, Israël veut s’assurer que son existence en Cisjordanie devienne une réalité intégrée et inséparable des palestiniens, d’où la concentration d’infrastructures qui relient tous les centres d’intérêt palestiniens et israéliens ensemble.
 
Statut légal et international
Le gouvernement d’extrême-droite israélien et Benjamin Netannyahou à sa tête bondit sur les parties restantes de Cisjordanie par la systématique planification de projets expansionnistes qui visent à renverser les négociations de paix avec les palestiniens pour satisfaire leur comportement idéologique colonial. Les projets israéliens en cours ciblant les terres palestiniennes constituent une violation des lois et conventions internationales.
  • L’article 53 et 147 de la Quatrième Convention de Genève interdisent « à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires » ;
  •  l’article 23 de la Convention de La Haye de 1907 interdit « de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre » ;
  • l’article 17 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adopté et proclamé par l’Assemblée Générale le 10 décembre 1948 proclame que «nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ». Cela interdit donc Israël de détruire et de confisquer les propriétés des palestiniens, quelque soit la situation.
 


[1] Terres classées en zone B lors de l’Accord Intérimaire Israélo-palestinien de 1995 : les palestiniens ont un entier contrôle sur les responsabilités civiles et Israël continue d’avoir un entier contrôle sur la sécurité.
 
[2] Master Plan pour les colonies : zones classées par l’Administration Civile Israélienne comme zones réservées aux colonies, ainsi que les zones allouées au développement futur et à l’expansion des colonies.
 
 

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