Le 24 janvier 2012, le Sous-comité israélien pour l’Inspection (affilié à l’Administration Civile israélienne) a délivré 17 ordres militaires aux résidents palestiniens d’Al Aqaba, dans le gouvernorat de Tubas dans la vallée du Jourdain. Dix d’entres eux imposaient l’arrêt immédiat de tous travaux. Les sept restants donnaient aux palestiniens un délai supplémentaire pour déposer une objection aux ordres précédents de démolition. Ces ordres de démolition avaient été émis sous prétexte que les propriétaires ne disposaient pas de permis de construire adaptés pour amorcer ces travaux. Le tableau suivant (tableau 1) détaille les propriétés concernées :
Tableau 1: Liste des propriétés visées à Al-Aqaba, gouvernorat de Tubas, vallée du Jourdain
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No.
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Propriétaire
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Nombre de
résidents
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Propriétés concernées
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Notes
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1.
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Dyfallah Zawahra
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10
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Structures résidentielle et agricole
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Premier avertissement
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2.
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Ziad Dabak
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6
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Résidence et deux exploitations agricoles
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Premier avertissement le 14/11/2011
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3.
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Ma’moun Dabak
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9
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Structures résidentielle et agricole
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Précédemment avertis
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4.
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Khalid Talib
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5
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Exploitation agricole
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Premier avertissement
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5.
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Ahmad Talib
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10
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Structures résidentielle et agricole
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Premier avertissement
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6.
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Akram Abd Al Kareem
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8
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Exploitation agricole
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Premier avertissement
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7.
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Na’il Abd Al Kareem
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5
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Exploitation agricole
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Précédemment avertis
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8.
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Khalid Sbieh
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9
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Exploitation agricole
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9.
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Ayman Sbieh
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8
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Exploitation agricole
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Premier avertissement
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10.
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‘Irsan Sbieh
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4
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Exploitation agricole
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Premier avertissement
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11.
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Jamal Daraghmeh
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10
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Structure résidentielle et puits artésien
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Précédemment avertis, propriétaire d’un terrain avec des oliviers
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12.
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Ismail Daraghmeh
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6
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Structure résidentielle et nouvelle résidence en construction
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Précédemment avertis, propriétaire d’un terrain avec des oliviers
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Total
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90
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Sources
Conseil Municipal d’Al-Aqaba – 2012
Equipe de terrain d’ARIJ – 2012
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Al-Aqaba : le lieu et ses habitants
Le village d’Al-Aqaba est situé dans le Nord-est du gouvernorat de Tubas, à 5km du centre. Le village s’étend sur 260 hectares dont 10 sont considérés comme constructibles. Sur les 250 hectares restants, les forces d’occupation israéliennes en ont confisqué 200, sous divers prétextes militaires.
Le village est considéré comme agricole puisque plus de 80% de la population dépend de l’agriculture pour vivre. Cependant, toutes les terres désignées comme fertiles et propices à l’agriculture ont été placées sous le contrôle direct de l’Armée d’Occupation Israélienne (AOI), et ses résidents ont été interdits de les utiliser par quelques moyens que ce soient.
De plus, en raison de la politique israélienne et de ses pratiques, le village ne peut pas suivre le développement économique et est proche de la suffocation. En effet, il ne dispose que d’une seule épicerie qui parvient à peine à subvenir aux besoins de la population, qui est d’environ 300 habitants (Bureau Palestinien des Statistiques, 2012).
Précédentes attaques israéliennes contre Al-Aqaba
Publiant des appels d’offres pour construire des logements en colonies israéliennes dans tous les gouvernorats de Cisjordanie, les autorités d’occupation ciblent directement les terres et les propriétés en territoires palestiniens. Les prétextes avancés sont l’absence de permis de construire, ou le fait que ces terres sont situées dans des zones classées par les autorités israéliennes comme « zones militaires fermées » ou « terres d’Etat » (« state lands »).
De plus, Israël a toujours utilisé ces prétextes comme un moyen pour poursuivre ses plans unilatéraux qui violent les différentes lois et conventions internationales. Ces plans incluent notamment le déplacement et la déportation des populations palestiniennes autochtones afin de satisfaire les ambitions coloniales sur ces territoire. Al-Aqaba fait partie des nombreux villages palestiniens qui ont été et sont encore l’objet des ambitions des autorités israéliennes. Ci-après sont résumées les violations israéliennes contre les terres et les propriétés d’Al-Aqaba.
En 2004, les bulldozers israéliens ont démolis 13 maisons et installations, sous le prétexte d’absence de permis de construire. Ce même prétexte a permis au Sous-comité israélien pour l’Inspection (affilié à l’Administration Civile israélienne) de délivrer 16 ordres d’arrêt de travaux le 10 avril 2006. Etaient notamment concernés la seule mosquée du village, une école maternelle, une salle de stockage de générateur électrique, deux salles ainsi qu’une route longue de 4km.
Le 8 mai 2007, le Sous-comité israélien pour l’Inspection (affilié à l’Administration Civile israélienne) a délivré six ordres de destruction à des familles du village. Ces ordres ciblaient cinq maisons et un bassin agricole, toujours sous le prétexte que ces installations avaient été construites illégalement (depuis qu’elles sont situées en zone C, qui selon les Accords d’Oslo II de 1995, est contrôlée en totalité par Israël). Ces installations appartenaient à Sufian Sbieh, Ni’mah Abd Al Raziq, Najid Sbieh, Munjid Sbieh, Khalid Fityan and Saleh Jabir.
Le 29 mars 2011, des véhicules de l’armée israélienne sont entrés dans le village et ont délivré au président du conseil municipal deux ordres d’arrêt de travaux pour les rues Al-Salam et Al Muhajareen. L’AOI a également délivré à certains résidents des ordres de démolition de leurs installations sous prétexte d’absence de permis de construire (depuis qu’elles sont situées en zone C). Ces installations appartenaient à Khalid Ahmad Sbieh, Abd Al Nasir Ahmad Sbieh, Jamal Ibrahim Masa’id, and Basim Muhammad Sbieh, chacun d’entre eux disposant d’une maison, d’une exploitation agricole, de toilettes extérieures et d’une cuisinière.
Il est important de mentionner qu’une semaine après avoir délivré les ordres d’arrêt de travaux pour les rues Al-Salam et Al Muhajareen, l’AOI a complètement rasé les rues Al Dahiya et Al Salam dans les parties Ouest et Est du village, et a démoli deux autres installations détenues par Abd Al Nasir Sbieh et Muhammad Abid Al Raheem Sbieh.
Enfin, le 19 décembre 2011, l’Administration Civile israélienne a notifié les palestiniens d’ordres militaires leur demandant de démanteler leurs résidences, exploitations agricoles et animales. Cela concernait notamment cinq maisons, deux baraquements et une caravane, appartenant à Mahmud Jabir, Ala’ Muhammad Saleh, Abd Al Basit Jabir, Basim Muhammad Sbieh et Khalid Ahmad Sbieh.
Conclusion
Le prétexte israélien le plus répandu pour démolir les maisons palestiniennes est que ces propriétés sont situées en zone C et qu’elles n’avaient pas de permis de construire. En réalité, l’Administration Civile israélienne impose aux palestiniens des conditions d’accès aux permis de construire impossibles à remplir. La majorité des demandes étant rejetée, les palestiniens n’ont d’autres solutions que de construire sans permis. Et ce bien que l’Administration Civile israélienne soit une puissance d’occupation et qu’elle n’ait pas le droit de démolir quelques installations que ce soient, sans que celles-ci soient considérées comme une menace à la sécurité. Selon la Quatrième Convention de Genève de 1949 et la Convention de La Haye de 1907, Israël n’a pas le droit de procéder à des démolitions sur les propriétés palestiniennes :
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L’article 23 de la Convention de La Haye interdit « de détruire ou de saisir des propriétés ennemies, sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ».
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L’article 49, paragraphe 1de la IV Convention de Genève certifie que « les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif ». Le paragraphe 6 ajoute que «la Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
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Enfin, l’article 8 du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale proclame « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire » comme crimes de guerre.