Introduction:
La souveraineté de la puissance occupante sur les territoires occupés est un concept rejeté par le droit international des conflits armés. L’autorité exercée par la puissance occupante n’inclut pas de domination sur la terre occupée et ne l’autorise certainement ni à annexer une quelconque partie de la terre à sa propre juridiction, ni à transférer une partie de sa population vers le territoire qu’elle occupe.
Les gouvernements israéliens successifs ont adopté une politique visant à s’approprier la plupart des terres de Cisjordanie, afin de construire et d’étendre les colonies israéliennes, par différents moyens. Le plus célèbre d’entre eux est le prétexte de la « sécurité », qui a permis à Israël de restreindre le développement des villes palestiniennes dans les zones restantes.
Après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967, Israël a mis en œuvre des politiques physiques et administratives visant à saisir les terres palestiniennes et à diviser la Cisjordanie. Ainsi, Israël a manipulé la loi ottomane sur la terre de 1858, qui permet à l’Etat d’exproprier des terres en jachère. Quant à l’aménagement des villes, Israël a utilisé la loi règlementaire jordanienne de 1966 et des plans de développement régionaux préparés entre 1940 et 1947, sous le mandat britannique.
De plus, Israël a conçu son propre attirail législatif, concevant différentes procédures afin d’acquérir des terres palestiniennes, en se basant sur des lois ratifiés par les Jordaniens ou les Ottomans. Si tous les gouvernements israéliens successifs ont adopté la politique de colonisation en Cisjordanie, chacun a choisi une approche différente pour réaliser leur objectif commun, à savoir le maintien d’un programme actif de colonies. En conséquence, les expropriations conduites par l’armée au profit des colons se sont poursuivies jusqu’au cas Elon Moreh, en 1979 ; le verdict de la Haute cour de justice a rendu illégal la confiscation de terres par des ordres militaires, afin de fournir des terres pour l’installation de nouvelles colonies ou pour l’expansion de colonies existantes.
Cependant, Israël a évolué vers une méthode considérée comme plus efficace pour s’emparer des terres palestiniennes, en utilisant le prétexte des « terres domaniales », qui seraient donc la propriété de l’état. Toutefois, l’armée israélienne a continué à fournir un support indirect pour les colonies et le prétexte des « terres domaniales », en s’emparant de terres sous le prétexte d’une utilisation militaire, en facilitant la construction d’infrastructures (réseaux d’eau et d’électricité, routes, etc.) avant que l’emplacement de la colonie ne soit dévoilé, que la terre ne soit déclarée propriété de l’Etat et soit donnée aux colons israéliens.
Plus encore, le gouvernement israélien a continué à faciliter et à encourager les initiatives privées israéliennes visant à contrôler les terres par des ventes privées. De telles méthodes, illégales, ont permis à Israël de contrôler des centaines de milliers de dunums, ce qui a finalement nié aux Palestiniens le droit au développement dans leurs communautés. Les Israéliens ont ainsi utilisé de telles méthodes afin de modifier les limites administratives des districts de Cisjordanie, et plus tard, durant les accords d’Oslo, afin de tracer la ligne du second accord intérimaire, de 1995.
Durant l’occupation israélienne, les autorités ont employé les méthodes suivantes pour acquérir des terres palestiniennes, au profit des colonies ou pour d’autres motifs :
1) Déclarer la terre «terre domaniale », et donc propriété de l’Etat
2) Déclarer la terre « terre abandonnée »
3) Déclarer la terre « terre réservée à des fins militaires »
4) Déclarer une « zone militaire fermée »
5) Déclarer une « expropriation pour les services publics »
Avant l’occupation israélienne du territoire palestinien en 1967, quelques 70 000 dunums de terre de Cisjordanie étaient classées “terres domaniales”. Suite à l’occupation israélienne de 1967, et notamment entre 1979 et 1992, Israël est parvenu à déclarer 980 000 dunums de terres supplémentaires en Cisjordanie propriété de l’Etat.
Ces terres incluent en gros toutes les terres non-enregistrées, qui ne figuraient pas sur les registres immobiliers des cadastres jordaniens ou ottomans. De plus, 600 000 dunums supplémentaires en Cisjordanie sont en instance d’être déclarées « propriété de l’Etat » par l’occupation israélienne. En conséquence, les Palestiniens ne peuvent pas accéder à de larges parties de la Cisjordanie et ne peuvent donc pas utiliser la terre. Ainsi, Israël était et demeure capable de restreindre les constructions, l’agriculture, le développement et la planification en zone C.
Les terres où il existe des restrictions pour les Palestiniens sont diverses : elles peuvent être situées près des colonies ; elles sont ainsi incluses dans les plans d’urbanisme d’une colonie. Ces zones, généralement appelés les « zones charnières », incluent également les zones militaires fermées, les bases militaires, la vallée du Jourdain et Jérusalem-Est. En outre, Israël a restreint l’usage, pour les Palestiniens, de la plupart du réseau de routes de contournement. Dans l’ensemble, quelques 61% de la Cisjordanie est classée zone C ; l’accès et l’utilisation des Palestiniens à ces terres nécessite des démarches difficiles et constitue dans certaines zones un acte criminel.
Le dilemme de la construction en zone C
Selon l’accord intérimaire (Oslo II, en 1995), le territoire palestinien est divisé en zones A, B et C, selon leurs différents niveaux de contrôle. En zone A, l’Autorité Palestinienne (AP) dispose d’une autonomie complète sur les questions administratives et de sécurité, la zone B n’accorde aux Palestiniens que les responsabilités administratives et civiles, tandis qu’en zone C (soit dans 61% de la superficie totale de la Cisjordanie), Israël conserve un contrôle total. Le tableau 1, ci-dessous, clarifie la classification en zones de la Cisjordanie
Tableau 1
Classification des terres de Cisjordanie –
OSLO II – 1995
|
Superficie en km²
|
% de la superficie de la Cisjordanie
|
Zone A
|
1,005
|
17.7
|
Zone B
|
1,035
|
18.3
|
Zone C
|
3,456
|
61
|
Réserves naturelles
|
165
|
3
|
Superficie totale de la Cisjordanie
|
5,661
|
100
|
|
Zone urbanisée israélienne (en km²) en zone C
|
Colonies israéliennes (au sein du plan d’urbanisme général)
|
486
|
Bases militaires
|
49
|
Total
|
235
|
|
Zone urbanisée palestinienne
|
55
|
Source: base de données ARIJ
Les zones A, B et C des 11 gouvernorats palestiniens sont utilisés comme divisions administratives par l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP), Israël et les Forces de défense israélienne (IDF – Israeli Defense Forces) et prennent le nom des villes majeures.
La zone A comprend les principales villes palestiniennes ainsi que quelques zones rurales. La zone B y ajoute d’autres zones rurales, relativement peuplées, près du centre de la Cisjordanie. La zone C contient l’intégralité des routes menant aux colonies israéliennes, les zones tampons (près des colonies, des routes, des zones stratégiques et d’Israël) et quasiment toute la vallée du Jourdain, de Jérusalem-Est de du désert.
Les zones A et B sont elles-mêmes divisées en 469 zones distinctes (respectivement 171 et 298), la majorité d’entre elles faisant moins de deux km², et séparés les unes des autres par la zone C, contrôlée par Israël. Alors que la vaste majorité des Palestiniens (83,5% d’entre eux) vit en zones A et B, les terres vacantes disponibles pour construire les infrastructures nécessaires à la croissance de la population et aux opportunités d’investissement sont situées dans la plus grosse partie de la Cisjordanie, à savoir en zone C. Il est facile de conclure que les deux zones, A et B, représentant 36% de la superficie de la Cisjordanie, sont déjà congestionnés et que la seule zone disponible restante pour les Palestiniens pour un Etat viable et compétent est situé dans ce qui constitue aujourd’hui la zone C.
La zone C constitue un obstacle majeur pour l’émergence d’un Etat palestinien, et cela sur différents plans, notamment ceux de la souveraineté, de la contigüité, du développement et de l’économie. Cependant, un tel bouleversement n’aurait pas du se produire si les termes des accords d’Oslo avaient été respectés ; les zones palestiniennes A et B n’auraient pas servi d’alternatives pour compenser le manque d’espace, pourtant nécessaire pour le développement de l’industrie, l’absorption de la croissance démographique, pour les eaux usées, etc. La zone C peut fort bien fournir cet espace, indispensable, évitant ainsi les conséquences négatives de l’utilisation des zones A et B pour les fins précédemment citées. Cela pourrait ainsi empêcher l’augmentation du prix des terres, qui affecte le prix du logement, et lever les entraves au développement, à l’investissement et à l’emploi.
En termes de souveraineté:
Toutes les frontières sont situées en Zone C, où les Israéliens bénéficient toujours du contrôle total. Actuellement, les principales zones de frontière entre l’Etat palestinien et les pays voisins (Jordanie, Egypte, Syrie, Liban) sont contrôlées par Israël. Le point frontalier avec la Jordanie, Al-Karamah, est aujourd’hui le plus significatif, puisqu’il représente la souveraineté palestinienne sur le territoire. Rafah et Beit Hanoun, dans la bande de Gaza, sont d’autres postes de frontaliers avec l’Egypte et Israël. Cependant, les points d’accès à Israël doivent aussi avoir une présence palestinienne, puisque passer par ce point implique de passer dans un autre Etat.
En termes de contiguïté
Les zones urbanisées des colonies israéliennes occupent 3,3% (189 km²) de la superficie totale de la Cisjordanie. Cependant, les plans d’urbanismes pour ces colonies occupent des zones bien plus importantes, qui s’élèvent à 486 km² (8%) de la Cisjordanie. De plus, l’armée israélienne dispose d’un contrôle direct, en vigueur dans des zones de Cisjordanie, qui, combinés avec la zone des colonies, s’élève à 29% de la superficie de la Cisjordanie. Voir le Tableau 2, ci-dessous.
Tableau 2: Utilisation de la terre par les Israéliens en Cisjordanie occupée
Élément
|
Superficie (en km²)
|
Pourcentage (de la superficie totale de la Cisjordanie)
|
Plans d’urbanisme des colonies
|
486
|
8%
|
Bases militaires israéliennes
|
49
|
1%
|
Zones militaires fermées
|
999
|
18%
|
Routes de contournement
|
112
|
2%
|
Superficie totale de la Cisjordanie occupée
|
1634
|
29%
|
Source: base de données ARIJ
Ces zones contrôlées par Israël ont sérieusement compliqué pour les Palestiniens le développement et la planification, puisqu’elles se situent toutes, avec d’autres grandes étendues de terres, en zone C. Ainsi, la continuité territoriale au sein de la Cisjordanie et avec Gaza est rendu impossible par la domination israélienne sur la zone C.
Cependant, Israël essaye de contourner ce problème de continuité ; Israël débauche une énergie implacable pour substituer le contrôle géographique palestinien de cette zone par un réseau de routes et de tunnels qui permettra aux Palestiniens de voyager sur ce système alternatif de routes, tout en permettant à Israël de maintenir le contrôle sur les terres désirées et sur ce qui correspond à ses intérêts.
En termes de planification et de développement
Les politiques israéliennes en zone C:
Depuis la signature des Accords d’Oslo, Israël a recouru à un certain nombre de lois et de régulations afin de piller des terres palestiniennes, expulser des Palestiniens et les remplacer par des colons israéliens. Pour confisquer des terres, Israël a utilisé plusieurs tactiques, dont :
1- Les permis de construire en zone C:
Comme nous l’avons mentionné plus haut, la zone C est sous contrôle israélien total, tant administratif qu’en termes de sécurité. Par conséquent, il était obligatoire, pour les Palestiniens, de se rendre à l’administration civile israélienne pour y obtenir des permis de construire. Les données de l’administration civile israélienne entre 2000 et septembre 2007 montrent que les taux d’approbation des demandes palestiniennes de permis de construire n’étaient que de 5,5%, 94,5% étant rejetées. Selon les données disponibles, les Palestiniens ont soumis 1890 demandes de permis de construire dans cette période sept ans, l’administration civile n’en approuvant que 105. Le tableau suivant montre le nombre de permis de construire demandés par les Palestiniens à l’administration civile et le nombre de permis accordés.
Tableau 3: Permis de construire demandés et/ou approuvés en zone c
Année
|
Permis de construire demandés par les Palestiniens à l’administration civile
|
Permis de construire approuvés par l’administration civile
|
%
|
2000
|
182
|
5
|
2.7
|
2001
|
167
|
6
|
3.5
|
2002
|
159
|
6
|
3.7
|
2003
|
337
|
3
|
0.89
|
2004
|
250
|
5
|
2
|
2005
|
189
|
13
|
6.8
|
2006
|
176
|
43
|
24.4
|
9/2007
|
164
|
10
|
6
|
Total
|
1890
|
105
|
5.5
|
Source: Administration civile israélienne
L’administration civile affirme que la plupart des demandes palestiniennes ont été reçues après que des ordres de démolition ont été émis. Selon l’administration civile, ces bâtiments ont été construits sur des espaces naturels, où la construction est interdite, ou sur des terres confisquées par l’armée (par des ordres militaires) ou sur des terres domaniales, propriété de l’Etat.
2- La destruction de maison en zone C:
À cause de la rigidité de la politique israélienne de permis de construire, les Palestiniens ont construit en zone C sans permis, afin de gérer la croissance démographique naturelle de la population. Les autorités israéliennes ont émis des ordres de démolition pour ces constructions. Selon l’administration civile, 4820 ordres de démolition ont été émis entre 2000 et septembre 2007, 1626 ont été mis à exécution, dont 1246 par l’administration civile et 380 par d’autres autorités. Le tableau 4 montre le nombre d’ordres de démolitions émis et le nombre de démolitions effectuées entre 2000 et septembre 2007.
Tableau 4: Ordres de démolition de maisons palestiniennes en zone C
Année
|
Nombre d’ordres de démolition
|
Nombre de démolitions exécutées par l’A.C.
|
Nombre de démolitions exécutées par d’autres partenaires
|
Nombre total de démolitions exécutés
|
2000
|
465
|
20
|
21
|
41
|
2001
|
568
|
143
|
43
|
186
|
2002
|
641
|
231
|
45
|
276
|
2003
|
681
|
242
|
64
|
306
|
2004
|
703
|
173
|
52
|
225
|
2005
|
795
|
137
|
20
|
157
|
2006
|
502
|
186
|
78
|
264
|
9/2007
|
465
|
114
|
75
|
171
|
Total
|
4820
|
1246
|
398
|
1626
|
Source: Administration civile israélienne
Comparaison avec les colonies israéliennes de Cisjordanie
D’autre part, les autorités israéliennes ont facilité le processus d’émission de permis de construire pour les colonies israélienne en Cisjordanie, malgré le fait que leur existence viole le droit international. Les statistiques montrent que les autorités israéliennes ont accordé aux colonies israéliennes en zone C en moyenne plus de 1000 permis de construire par an. Le tableau 5, ci-dessous, compare le nombre de permis de construire émis par l’administration civile israélienne pour les colons israéliens et les Palestiniens en 2000 et 2006 en zone C.
Tableau 5:Permis de construire accordés par l’administration civile, 2000-2006
Année
|
Permis de construire accordés pour les colonies, en zone C
|
Permis de construire accordés aux Palestiniens en zone C
|
2000
|
1,493
|
5
|
2001
|
1,014
|
6
|
2002
|
712
|
6
|
2003
|
720
|
3
|
2004
|
672
|
5
|
2005
|
1,169
|
13
|
2006
|
1,165
|
43
|
Total
|
6,945
|
95
|
Source: Bureau central des statisques israélien et administration civile
Le problème de la démolition de logements construits illégalement est similaire aux procédures d’émission de permis de construire. Les chiffres indiquent que les autorités israéliennes ont émis 2872 ordres de démolition visant des constructions illégales des colons de 2000 à 2006 ; d’autre part, les autorités israéliennes ont émis 4355 ordres de démolitions pour les Palestiniens en zone C durant la même période. Le tableau 6, ci-dessous, montre une comparaison entre le nombre d’ordres de démolition émis par l’administration civile pour les Palestiniens et les colons israéliens illégaux entre 2000 et 2006
Tableau 6: ordres de démolition émis par l’administration civile, 2000-2006
Année
|
Ordres de démolition émis piur les colonies en zone C
|
Ordres de démolition émis pour les Palestiniens en zone C
|
2000
|
88
|
465
|
2001
|
286
|
568
|
2002
|
237
|
641
|
2003
|
473
|
681
|
2004
|
457
|
703
|
2005
|
636
|
795
|
2006
|
695
|
502
|
Total
|
2872
|
4355
|
Source: Peace Now et l’administration civile
Les plans d’urbanismes
Israël est parvenu à imposer la présence des colonies illégales en Cisjordanie, en particulier dans les gouvernorats où Israël a un intérêt stratégique. Aujourd’hui, la zone urbanisée des colonies dans 5 des 11 gouvernorats palestiniens excède celle disponible pour les Palestiniens. Les gouvernorats concernés sont ceux de Jérusalem, Jéricho et la vallée du Jourdain, Qalqilyah, Salfit et Tubas. De plus, si l’on se réfère à l’année 1991, lorsqu’Israël a entrepris de déterminer les plans d’urbanisme pour chaque colonie israélienne dans les territoires palestiniens occupés, alors les zones urbanisées disponibles des colonies israéliennes excèdent celles des Palestiniens dans huit des onze gouvernorats palestiniens. Naplouse, Ramallah et Bethléem sont les trois gouvernorats supplémentaires. Voir le tableau 7 et la carte 1
Tableau 7: Zones urbanisées des colonies israéliennes contre zones urbanisés palestiniennes dans les gouvernorats de Cisjordanie
Gouvernorat
|
Superficie du gouvernorat (km²)
|
Zone urbanisée palestinienne (km²)
|
Zone urbanisée des colonies israéliennes (km²)
|
Superficie des colonies israéliennes selon le pan d’urbanisme (km²)
|
Jénine
|
573
|
27.872
|
3.959
|
22.766
|
Tubas
|
366
|
5.17
|
7.518
|
12.532
|
Naplouse
|
614
|
25.438
|
16.248
|
25.709
|
Tulkarem
|
245
|
19.101
|
3.619
|
5.15
|
Qalqilyah
|
174
|
8.466
|
11.77
|
25.39
|
Salfit
|
202
|
8.719
|
18.147
|
37.959
|
Jéricho
|
609
|
7.99
|
23.425
|
77.305
|
Ramallah
|
849
|
47.85
|
31.268
|
61.233
|
Jérusalem
|
354
|
35.646
|
40.011
|
118.72
|
Bethléem
|
608
|
25.37
|
18.158
|
40.697
|
Hébron
|
1068
|
83.224
|
14.142
|
58.802
|
Total
|
5661
|
294.846
|
188.266
|
486.262
|
Source: ARIJ -2009
Carte 1
Le système de planification en Cisjordanie, exécuté par l’administration civile israélienne, est un des mécanismes les plus puissants de l’occupation israélienne. Comme dans les autres systèmes bureaucratiques, le système de planification opère par deux systèmes distincts et discriminatoires, l’un pour les Juifs, l’autre pour les Palestiniens. De plus, Israël employait la loi jordanienne de 1966 sur le plan d’urbanisme en Cisjordanie de manière assez limitée, jusqu’à que les autorités adaptent la loi, le 23 mars 1971, par l’ordre militaire n° 418, modifiant la loi. Ainsi, l’instance chargée d’exécuter la loi, anciennement jordanienne, est devenue israélienne.
· L’ordre militaire n° 418 visait la fragmentation de la Cisjordanie. Il a imposé aux villages palestiniens de suivre les plans d’urbanismes britanniques ; dans le même temps, l’ordre militaire désigne les zones des colonies israéliennes comme des zones de développement. Il empêche également les Palestiniens de développer leurs zones résidentielles.
· Le nouvel ordre militaire a annulé le rôle des autorités et instances locales dans le processus de planification de leurs communautés, notamment les permis de construire. Il a remis ce droit aux comités de planification régionaux et au haut conseil de planification, au sein de l’armée israélienne. Ce haut comité opère sous le nom de « comité de planification pour les villages » et est dirigé par des officiers de l’armée israélienne.
· L’ordre militaire a aussi crée une commission de planification, désignée sous le nom de « sous-comité pour la planification et l’inspection », crée pour servir les intérêts et bénéfices des colons israéliens, sans tenir le moins du monde compte des intérêts de la population palestinienne indigène.
· L’ordre militaire a de plus offert au commandant en chef des districts de l’armée israélienne de nouveaux pouvoirs, notamment celui de nommer un comité spécial de planification pour le développement des colonies israéliennes ou la juridiction sur les commissions de planification régionale.
On peut donc conclure, à juste titre, que ces projets britanniques ne prenaient pas en compte les besoins de développement, à court et long-terme, afin de faire face à la croissance de la population palestinienne. Celle-ci a été multipliée, plusieurs fois depuis lors et l’administration civile israélienne n’en a pas fait une priorité, dans la mesure où elle cherche à garder la population palestinienne au sein de limites faciles à contrôler.
Par conséquent, ce n’est qu’en de rares occasions, sous des circonstances spéciales et lorsque les modifications ne remettaient pas en cause ses fins, qu’Israël a accepté de modifier les plans existants, en certains endroits et de manière limitée. En conséquence, les maisons construites par les Palestiniens sans permis de construire ont été détruites par l’administration civile israélienne, même lorsqu’elles étaient construites sur des terres appartenant à un particulier.
De 1967 à 1987, Israël a pu contrôler les territoires palestiniens occupés et empêcher toute nouvelle construction qui ne respectait pas les règles susmentionnées. De 1987 à 1990, l’administration civile israélienne a émis 19 plans d’urbanisme pour certaines communautés palestiniennes, mais ces plans ne visaient pas à développer ces communautés ; en effet, puisque ces plans ne couvraient que les zones déjà urbanisées, il semble évident que l’intention réelle, sous-jacente, était de limiter le développement de ces communautés.
De 1990 à 1995, l’administration civile israélienne a émis quelques 400 plans spéciaux d’urbanisme pour les communautés palestiniennes sur l’ensemble de la Cisjordanie ; tous ces plans se basaient sur les plans d’urbanismes régionaux RJ/5 et RJ/6, datant du mandat britannique, qui ne suffisent plus à couvrir les besoins palestiniens, puisqu’elle se focalisent sur les zones urbanisées de ces communautés. De plus, beaucoup d’erreurs émaillaient les plans d’urbanisme soumis par l’administration civile. Un seul plan d’urbanisme prévoyait par exemple d’intégrer es terres de deux communautés distinctes ; inversement, deux plans d’urbanisme étaient émis pour une seule communauté. En outre, toute construction palestinienne en dehors de ces plans d’urbanisme était soumise à démolition par l’administration civile israélienne. Le tableau 1, ci-dessous, montre la comparaison des superficies de ces plans d’urbanisme et de celle des zones urbanisées dans certaines communautés palestiniennes.
|
Communauté palestinienne
|
Superficie des zones urbanisées (dunums)
|
Superficie totale du plan d’urbanisme (dunums)
|
Hausse en dunums
|
1
|
Bel’in
|
265
|
266
|
1
|
2
|
Budros
|
150
|
185
|
35
|
3
|
An-nabi Elias
|
75
|
87
|
12
|
Source: Bimkom, Planners for planning rights
En ce qui concerne la planification et la construction des colonies israéliennes était un processus ouvert pour les conseils des colonies israéliennes ; en 1991, l’administration civile israélienne a conçu des plans d’urbanisme pour les colonies israéliennes des territoires occupés ; les colonies occupaient alors une zone urbanisée de 71 kilomètres carré (1,25% de la superficie de la Cisjordanie), la superficie totale des plans d’urbanismes s’élevait à 498 kilomètres carré, soit 8,8% de la superficie de la Cisjordanie.
En 2008, le département de planification israélien, au sein de l’administration civile israélienne, a décidé d’émettre des plans d’urbanisme exclusifs pour un certain nombre de communautés palestiniennes, à cause de pressions efficaces (ou d’une volonté d’Israël de pacifier son attitude) exercées par le Quarter international et le bureau de son délégué, Tony Blair
Aujourd’hui, il existe 163 communautés palestiniennes en zone C, comportant environ 150 000 personnes; selon l’administration civile israélienne, seuls 51% de ces communautés ont un plan d’urbanisme, ce qui signifie que toute construction est interdite
En 2008, le bureau du représentant du Quartet a déclaré que 14 plans d’urbanisme seront émis pour 14 villages palestiniens en zone C. voir le tableau 8 et la carte 2 pour ces villages.
Tableau 8: plans d’urbanisme israéliens pour 14 villages palestiniens en Cisjordanie
|
Village
|
District
|
1
|
Fazail Nord
|
Jéricho
|
2
|
Rashida
|
Jéricho
|
3
|
Khirbat a-Tih
|
Tulkarem
|
4
|
Brukin nord
|
Qualqilyah
|
5
|
Khirbat A-Tawani
|
Hébron
|
6
|
Khirbat A-Shama ouest
|
Hébron
|
7
|
Jabel Harsa
|
Bethléem
|
8
|
A-Sheikh ouest
|
Bethléem
|
9
|
Hermel
|
Bethléem
|
10
|
Zabrat Kabira
|
Tulkarem
|
11
|
Adna est
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Hébron
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12
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Tarkumiya sud
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Hébron
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13
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Khirbat Ta’anach
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Jénine
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14
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Khirbat Um Reihan
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Jénine
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Source: bureau du représentant du Quartet
Carte 2
Le bureau du représentant du Quartet affirme que l’approbation de ces plans d’urbanisme doit faciliter le développement, la construction, l’amélioration des écoles, des cliniques et autres équipements au sein de ces villages. Cependant, la situation sur le terrain montre une toute autre image ; même avec ces plans d’urbanisme, les restrictions sur la construction et le développement en zone C continueront. Ces plans d’urbanismes ne couvrent en fait que les zones urbanisées de 1967, ne prennent pas en considération le gros des constructions effectuées par la suite et ne prévoient pas vraiment de rendre des terres disponibles pour le futur développement des zones concernées.
Ainsi, le village d’Al-Jiftlik dans la vallée du Jourdain fournit un bon exemple ; en 2006, l’administration civile a approuvé un plan d’urbanisme pour le village. Cependant, la superficie couverte par le plan n’est pas suffisante pour réponde aux besoins de la population, puisque quelques 2000 habitants du village (40% de la population) resteront en dehors de la zone urbaine du plan d’urbanisme. La construction de nouvelles maisons (si la construction reçoit les permis appropriés) ne peuvent se dérouler qu’à l’intérieur du plan d’urbanisme. Les maisons construites après 1967 et qui se trouvent en dehors du périmètre nouvellement marqué sont illégales et sont sous la menace permanente d’une démolition.
Comparaison: Plans d’urbanisme des colonies contre plans d’urbanisme des villages palestiniens en zone C:
Le comité du système de planification de l’administration civile israélienne est en charge de l’administration des terres en Cisjordanie ; cela inclut le système de planification chargé d’approuver les grandes lignes des projets et des permis de construire pour les colonies et les communautés palestiniennes. Les examples suivant illustrent la différence entre les plans d’urbanisme des colonies et les plans d’urbanisme des villages palestiniens en zone C.
Cas n°1: village de Khirbat Umm Rayhan contre colonie de Rehan
Nom
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Zone urbanisée en dunums
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Zones du plan d’urbanisme (dunums)
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Maisons en dehors du plan d’urbanisme
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Umm Rayhan (Palestinien)
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40
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57
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2
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Rehan
(colonie israélienne)
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171
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1,739
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—
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Cas n°2: village de Khirbat Ti’nnik contre colonie de Mevo Dotan
Nom
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Superficie des zones urbanisées en dunums
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Superficie du plan d’urbanisme en dunums
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Maisons en dehors du plan d’urbanisme
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Khirbat Ti’nnik (Palestinien)
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200
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269
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40
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Mevo Dotan
(colonie israélienne)
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251
|
4,000
|
—
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En termes d’économie
La plus grande partie de la Cisjordanie est sous contrôle israélien; alors que c’est là que les véritables investissements économiques peuvent être réalisés, les Palestiniens y jusqu’ici ont eu un accès limité. Par conséquent, ces limites ont entravé les tentatives du gouvernement palestinien d’établir une réelle croissance économique et une réelle indépendance, notamment vis-à-vis de l’économique israélienne. Le contrôle administratif israélien sur la terre, ce qui inclut les colonies et leurs zones de juridiction, les routes et les restrictions sur les mouvements constituent autant de contraintes pour les Palestiniens.
Surface utilisée/ surface totale(LULC) pour la zone C
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Superficie- Dunums
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Terre arable
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413801
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Forêt
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59016
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Zones de végétation artificielles non agricoles
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97
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Industrial, commercial and transport unit
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1612
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Zones agricoles hétérogènes
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85019
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Mines, décharges et construction
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10575
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Espaces naturels avec peu ou pas de végétation
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1203390
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Eaux intérieures
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1386
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Cultures permanentes
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499072
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Serres
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6298
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Pâturages
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565353
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Arbustes et/ou végétation herbacée
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317712
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Zones urbanisées palestiniennes
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52588
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Colonies israéliennes
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187659
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Bases militaires israéliennes
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47241
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Zone du mur
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5621
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TOTAL
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3456440
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Source: base de données ARIJ
Israël change le statut de la zone C
Sur le terrain, la zone C, où Israël contrôle toujours l’administration des terres et la sécurité représente environ 61% de la superficie totale de la Cisjordanie. Cependant, depuis la signature des accords d’Oslo, Israël a cherché, sur le terrain, à manipuler la carte en sa faveur ; en ce sens, Israël croit toujours pouvoir s’emparer de la zone C, avant d’être forcé de se rentre à la table des négociations sur le statut final. Par conséquent, les Israéliens croient aujourd’hui que ce qui définit la zone C aujourd’hui n’est plus ce qui définissait la zone C quand les accords « de paix » ont été signés.
Aujourd’hui, la zone C est dépouillée de zones définies par l’armée israélienne comme la « zone charnière » (la « Seam zone », en anglais), qui constitue environ 13% de la superficie totale de la Cisjordanie, le long des terres à l’Ouest de la Cisjordanie, au sein de la « zone de ségrégation occidentale ». En sus, quelques 1580 km² (28% de la superficie totale de la Cisjordanie), le long des terres à l’Est de la Cisjordanie sont sous le contrôle total de l’armée. 51% de cette zone est considérée comme une zone militaire fermée depuis 1967, à cause des réserves naturelles, des mines, des colonies et des bases militaires. Au vu de ces évolutions, la zone C a été réduite selon la définition adoptée par Israël à 1143 km², soit un tiers seulement des 61% de la superficie totale de la Cisjordanie qu’en réalité, la zone C désigne, selon la classification en zones adoptée à Oslo. Les Israéliens considèrent cette large zone comme une zone négociable lors des négociations sur le statut final.
En conclusion
Le statut d’Israël en territoire palestinien occupé demeure le même, en particulier au sein de la zone C. Par conséquent, la puissance occupante, Israël, est responsable, en droit international humanitaire, de satisfaire les besoins de base de la population occupée. La puissance occupante est aussi responsable de l’administration des territoires occupées ; l’administration doit se faire d’une manière favorable à la population occupée et sous aucune circonstance bénéficier à sa propre population, ce qui est le cas pour les colons israéliens aujourd’hui. En conséquence, Israël a littéralement enfreint le droit international humanitaire, en ne parvenant pas et en réalité en niant à la population occupée les droits fondamentaux, que sont, entre autres, le droit à un logement adéquat, l’accès aux services de santé, à des établissements scolaires convenables et l’accès à l’eau.
Israël doit se conformer et se soumettre au droit international, cesser immédiatement les démolitions et révoquer les ordres de démolitions en zone C. de plus, Israël doit être tenu responsable pour ses actions durant les décennies de son occupation, et devrait sans plus de cérémonie veiller aux besoins de la population palestinienne en zone C, particulièrement en termes de planification et de développement du secteur immobilier, de besoins humanitaires fondamentaux tels que l’accès à l’eau, aux services de santé et à l’éducation. Israël doit aussi révoquer toutes ses politiques et ordres militaires qui entravent le travail de l’autorité palestinienne et empêchent la mise en application par la communauté internationale de plans de développement dans la région.
Israël devrait en outre abandonner toutes ses politiques et ses activités illégales en zone C. Cela implique de geler l’activité de toutes les colonies israéliennes, de démanteler les avant-postes, de faciliter le transfert des civils (les colons) hors des colonies, d’ouvrir toutes les zones interdites d’accès aux Palestiniens (les zones militaires fermées, les réserves naturelles, les zones de sécurité) et débarrasser la zone de toutes les mines. Si ces problèmes, critiques, ne sont pas abordés et si des mesures concrètes ne sont pas adoptées, ni l’autorité palestinienne, ni la communauté internationale ne pourront élaborer des stratégies de développement susceptibles d’améliorer la qualité de vie des communautés qui ont souffert et continuent à souffrir des mesures israéliennes en zone C.
De même, Israël devrait immédiatement lancer le retrait de la zone C et transférer le contrôle de cette zone à l’autorité palestinienne, qui devrait également se voir chargée du contrôle aux postes frontaliers. Tout cela aurait déjà du être mis en place selon les accords d’Oslo. En conséquence, Israël se soumettrait graduellement au droit international, ouvrant la voie à un Etat palestinien viable et à une paix durable dans la région.
Prepared by:
The Applied Research Institute – Jerusalem