Le système de transports israélien est relativement nouveau, et les transports publics sont généralement considérés comme étant sous-développés comparés aux pays industrisalisés ; cependant, une vue d’ensemble fait apparaître des visées plus larges, notamment la tentative globale d’Israël de renforcer sa main-mise sur la terre ou encore sa volonté d’influencer, voire même de définir les perspectives de l’Etat palestinien de telle sorte qu’il corresponde à ses intérêts et qu’il soit cohérent avec ses projets.
Les projets de colonie dans les territoires occupés de Cisjordanie constituent la pierre angulaire du plan israélien global. Certes, il est valable de considérer la nécessité de faciliter l’accès aux grandes villes et aux lieux de travail des habitants ; cependant, il serait naïf de croire que tout ce qui se passe n’est pas fortement politique. Ainsi, il serait naïf d’écarter l’idée que tout ce que prévoit Israël dans les territoires occupés de Cisjordanie, et particulièrement à Jérusalem-Est, ne constitue pas une partie de son projet de s’emparer du plus possible de terre en Cisjordanie et à Jérusalem, afin de rendre le processus de paix conforme à ses plans.
Pour cela, le besoin d’un réseau de transport public pratique, déterminé, et bien conçu entre Jérusalem, le cœur même du projet de colonies en Cisjordanie, et les autres grandes villes où il y a des centres industriels et d’affaires, était plus important que jamais. Jérusalem a toujours été un vortex pour le reste des colonies israéliennes en Cisjordanie, mais aussi le point à partir duquel les colons quittent les territoires occupés pour se rendre en Israël. Plus encore, le succès, c’est-à-dire la la durabilité du projet de colonies en Cisjordanie, dépend en quelque sorte de l’existence d’un système de transports rapide et fonctionnel pour les colons, entre Jérusalem, sa périphérie, les grandes villes et les lieux de travail des colons.
Le système de transport est intégré et vise à relier les colonies, Jérusalem et Israël selon le scénario, suivant, divisé en plusieurs phases :
Phase un : métro léger – Jérusalem
En 1999, le gouvernment israélien approuve le projet de construction de métro léger, qui relierait les colonies de Jérusalem-Est entre elles et avec Jérusalem Ouest. En 2005, le gouvernment israélien a ainsi passé un contrat avec deux entreprises françaises, Alstom et Véolia, afin de mettre en œuvre le projet. La ligne est implantée afin de relier la colonie de Pisgat Ze’ev, à Jérusalem Est (qui est occupée) au Mont Herzl, à Jérusalem Ouest, pour un budget total établi à 1,7 milliard de shekels (515 millions de dollars), dont 1,2 milliard (364 millions de dollars) financé par le secteur privé israélien.
Les travaux du métro léger ont commencé en avril 2006, et, selon les plans établis, la première phase du projet devait être terminé en 2009, couvrant 13,8 kilomètres, avec 23 arrêts et desservant plus de 100 000 colons israéliens dans les colonies de Neveh Yaccov, Pisgat Ze’ev, la French Hill et Ma’alot Dafna. En outre, le plan du métro léger dispose d’autres lignes, afin de relier les colonies de Ramot, au Nord-Ouest de Jérusalem, avec Jérusalem Ouest, ou d’autres reliant les colonies du sud de Jérusalem (Gilo, par exemple) avec la colonie de East Talpiot. Voir cartes 1, 2 et 3.
Phase 2 : les lignes à grande vitesse – Jérusalem – Tel Aviv
Ce chemin de fer, qui s’étend sur 55 kilomètres entre Jérusalem et Tel-Aviv, ne peut se contenter d’un regard superficiel, puisqu’il dessert aussi bien la périphérie de Tel-Aviv que chaque communauté entre Tel-Aviv et Jérusalem. Tout cela au service du but final, à savoir de renforcer le progamme de colonie en Cisjordanie, y compris, en particulier, Jérusalem Est. Ces lignes à grande vitesse seront les premières de ce genre en Israël. Elles réduiront le temps de trajet entre les deux villes à 28 minutes, au lieu de 90 précédemment pour l’ancienne ligne, peu utilisée ; cette nouvelle ligne surpassera même les autoroutes privées et publiques entre les deux villes, souvent encombrées par des embouteillages massifs.
Le concept de cette ligne a émergé en 1998, lorsque la ligne entre Tel Aviv et Jérusalem avait été suspendu en raison de son mauvais état et ne pouvait être réparé de manière rentable. Ainsi, plusieurs alternatives avaient été mises en avant. En 2001, un projet a été conçu pour effectuer des réparations mineures sur l’ancienne ligne tout en construisant une nouvelle ligne reliant la route principale et les communautés et villes alentours. Une filiale de l’opérateur de chemin de fer national allemand, Deutsche Bahn, fut nommé pour ré-évaluer la ligne prévue.
Les critiques de la ligne prévue tournaient autour de deux sections de la ligne (6 km), passant à travers la Cisjordanie, près de Mevaseret Zion et Canada park ; quand bien même la plupart de cette portion s’effectue de manière souterraine, grâce à des tunnels, la ligne traverse tout de même un territoire occupé et viole par conséquence le droit international.
Globalement, la ligne à grande vitesse entre Jérusalem et Tel Aviv facilitera le déplacement des colons des colonies de Jérusalem-Est et autour des blocs de colonies (Ma’ale Adumin, Giva’t Ze’ev, Gush Etzion, entre autres) vers Tel Aviv et d’autres villes industrielles proches de Tel Aviv, tels Holon et Rishon Litzion.
Phase trois : le plan de l’ARC
Le projet de l’ARC, par la Rand Corporation, se présentait comme une approche visant à construire un Etat palestinien viable. Le terme viable s’applique ici spécifiquement à la continuité géographique, afin de relier les deux entités qui formetont l’Etat Palestinien, la Cisjordanie et la Bande de Gaza et de faciliter le mouvement des Palestiniens au sein des villes de Cisjordanie. Ce projet, préparé sans prendre en compte les aspects politiques sur le terrain, considère simplement le statu quo comme une réalité inévitable à laquelle les Palestiniens doivent faire face. Le projet va même encore plus loin, puisqu’il considère le mur de ségrégation, les colonies et l’annexation de Jérusalem par Israël comme quelque chose d’acquis. Plus encore, le projet s’accomode du contrôle d’Israël sur le territoire.
Le plan de l’ARC prévoit grosso modo de dévier le système de transports en Cisjordanie, en harmonie avec le mur de Ségrégation en construction. De plus, il vise à modeler la structure physique de Cisjordanie à l’Est des grands centres villes, loin du mur de Ségrégation. Le plan de l’ARC vise ainsi plus qu’une simple modernisation du système de transports en Cisjordanie ; en effet, il cherche à créer des nouveaux centres urbains le long de cette nouvelle route. Le plan va même plus loin, puisqu’il cherche une contiguité de transport avec les pays voisins (Egypte, Syrie, Liban et Jordanie), Israël compris ; dans les faits, un tel plan rendra quasi-impossible l’exclusion d’Israël du réseau de transport régional.
Le plan de l’ARC